Publié dans Histoire

l’été des possibles

Les nuits chaudes et collantes de juillet. Le voyage des Expos dans l’ouest des États-Unis. Les articles de Serge Touchette sur ce qui se passe pendant qu’on n’est pas là! Le chlore de la piscine du parc Richelieu. Les pétaques frites qui sentent le vinaigre sur la main. 

Les 1001 magazines de la tabagie de la rue Principale, spécialement ceux du Pro Wrestling Illustrated, le dépanneur Perrette et ses cartes de baseball à l’infini! Le dimanche matin, religieusement, la tivi toujours au canal 7 pour 11h. La sacro-sainte lutte en direct de CHLT Sherbrooke et ses étoiles de la lutte!

Juin 1985

L’été a commencé parfaitement le 23 juin. Journée bénie des dieux. Dernière journée de l’année scolaire à l’école St-Alexandre, j’ai à peine 11 ans et l’an prochain je vais être à ma dernière année au primaire. J’ai réussi de peine et de misère ma 5e année que j’avais doublé au préalable. En terme académique je suis un cancre. Je suis le genre d’élève qu’aucun professeur ne veut dans sa classe. Mais pour dire la vérité je savais déjà que je n’étais pas à ma place. Je ne savais pas où aller mais je savais que l’école n’était pas faite pour moi! J’attendais mes 16 ans pour l’abandonner une fois pour toutes. Je me sentais bien à la bibliothèque municipale assis dans leur « pouf » pour faire la lecture. Je me sentais bien le nez dans un livre dans ma chambre et à la tabagie envahie par les magazines.

Juillet 1985

C’est la canicule! Je préfère être en dedans que dehors! Mon frère Balloune est toujours dehors à pêcher! La vie devrait être simple mais en vérité, elle est toute sauf simple! Je comprends pas pourquoi on manque de bouffe et que c’est tout à fait normal! Même le frigidaire vide, mon père a complètement abandonné. Il regarde la télé à la journée longue, il a 40 ans et déjà dans sa tête, il est mort! Il est mon exemple masculin. Malgré tout, nous étions dans l’été de tous les possibles comme si le destin avait décidé de me donner un break! 

Il y avait à la vieille aréna la venue, pour un soir seulement, de la gang de la lutte internationale!

Steve Strong pis ses biceps gros comme ma tête et peut-même plus (lui était originaire de Calgary à ce qui paraît. Il aurait été entraîné dans le fameux dojo de Stu Hart), Abdullah « The Butcher », même à l’époque il était déjà vieux mais toujours aussi laid, Gino Brito Jr, les Headhunters et plusieurs autres…

Je ne le savais pas à l’époque mais c’était déjà la fin d’une époque pour la lutte au Québec. Nos meilleurs allaient partir ou étaient déjà partis pour la WWF de Vince McMahon. Les Dino Bravo, Rick Martel, Jacques Rougeau, Raymond Rougeau ainsi que Frenchy Martin! J’étais quand même heureux d’assister à cette soirée qui demeure magique à mes yeux. Nous étions quand même dans l’été de tous les possibles. 

Ce soir-là j’ai vécu « La Vida Loca » à plein régime comme tout bon amateur de lutte professionnelle se doit de le faire. J’ai crié, j’ai applaudi, j’ai bu trop de liqueur noire, j’ai mangé trop de cochonneries et j’ai obtenu tous les autographes que je voulais sauf celui d’Abdulah. Et à la fin de la soirée, le champion du monde de la province Gino Brito Jr a gardé son titre! Pour être honnête, pour être vraiment honnête, je trouvais même à cet âge que la ceinture de la lutte internationale avait perdu de son lustre autour de la taille de Brito Jr! Ne peut pas être champion qui veut… C’est ce que j’ai conclu avec moi-même en 1985.

Une maudite belle soirée mais pas mon moment préféré de l’été 1985.

Une semaine plus tard, c’était la partie de balle-molle entre les Canadiens de Montréal et Price Wilson (aujourd’hui Cascades)!

Le bonheur de voir les vrais Canadiens en personne est un sentiment difficile à décrire. J’accepte tout de même, avec le recul, ce bonheur gratuit car à l’époque je ne savais pas que j’étais dans l’été de tous les possibles.

Une photo et un autographe de notre « goaler » Steve Penney en commençant la soirée même avant d’avoir mangé une pétaque au vinaigre. Une partie de bras de fer avec le biceps du numéro 35 Mike McPhee. J’ai gagné la partie mais je sais que cette journée-là McPhee était grippé, ce qui expliquerait sa défaite je crois. Pas de doute c’est vraiment mon été. Une photo avec notre valeureux capitaine Bob Gainey, j’étais tellement impressionné à ses côtés. Comme j’avais battu McPhee, Chris Nilan m’a regardé et ma dit: « Tu veux te battre? ». Nous avons laissé tomber nos mitaines imaginaires et l’espace d’un instant, j’étais un « goon » moi aussi. En plus contre le meilleur de la ligue! Nilan a mis sa grosse main dans ma face pour me narguer, le monde de Lachute riait solide. 

Nous avons fini ce combat avec une grosse accolade comme il se doit. J’ai pris le bras gauche de Nilan et je l’ai monté le plus haut possible pour le déclarer vainqueur de notre combat. Ça riait solide sur le terrain. 

Nilan était ému… et lui de me dire: « I’ll fight for you kid! ». Par la suite j’ai toujours pensé que « Knuckle » Nilan se battait pour moi. Plus tard dans sa vie, Nilan s’est battu pour le vrai avec ses démons et comme il est le meilleur, il a encore gagné! 

Une maudite belle soirée mais pas mon moment préféré de l’été 1985.

Fin juillet, c’est la foire agricole de Lachute qui existe depuis les années 1800! C’est avant l’évolution… avant presque la nuit des temps. C’était Viva La Vida…

De la barbe à papa plus grosse que ma face à partager avec mon frère Balloune, du popcorn au caramel, un mal de ventre qui fait partie de l’expérience, la peur de ma vie dans le Zipper et des millions de lumières qui éclairaient le ciel festif de Lachute ce soir-là. 

Une maudite belle soirée mais pas mon moment préféré de l’été 1985.

Début août

Je reçois le plus beau cadeau de ma vie, c’est aussi simple que ça. Nous étions dans l’été de tous les possibles puissance mille. Un magnifique BMX de marque Cobra! Le siège rouge, les poignées du guidon rouge, les roues rouges et des barres de styromousse rouge! Mille et une possibilités s’ouvraient devant moi. J’avais mille et un plans de nègre en tête. Je me voyais déjà devenir la relève d’Evil Knievel! J’ai fabriqué avec Éric le Rouge un « jump » de tous les diables. J’ai sauté des chaînes de trottoir. J’ai surtout aimé ce bécycle! Si j’avais pu, j’aurais dormi avec mon Cobra à tous les soirs.

Une maudite belle soirée mais pas mon moment préféré de l’été 1985.

Octobre 1985

Nous étions en plein cœur de l’été des Indiens… quand la Sûreté du Québec est venu chercher mon père chez nous dans le p’tit Canada.

Les deux voitures sont reparties avec des sirènes silencieuses… Il n’y a pas de sirènes dans ma rivière du Nord ni dans mon p’tit Canada. Y’a juste des sirènes silencieuses sur le top des chars de police qui nous libèrent de nos papas.

Une maudite belle soirée… Voilà mon moment préféré dans mon été de tous les possibles.

Publié dans NOUVELLE LITTÉRAIRE

 » Chainsaw Pilon »

*Cette semaine je t’offre un texte de mon livre

Je n’ai pas connu « Chainsaw » Pilon! J’ai eu l’histoire de cet homme fort à travers les vieux du P’tit Canada, les rumeurs et les échos de fin de soirée.

«Chainsaw» est né d’un one night stand! Pour ceux qui se demandaient dans le quartier, non, il ne vient pas de la cuisse de Jupiter. On n’accouche pas de “chainsaw”, on le chie avec résignation.

Lui, il était à 1 cm de ne jamais voir le jour. Je parle ‘’icitte’’ de la distance qui sépare le vagin de l’anus de sa mère biologique! Il aurait été conçu dans une carrière de sable un soir où la lune était pleine.

Il est né dans une crèche comme le petit Jésus. Et heureusement pour lui, il a été adopté par une sainte femme, la mère Pilon! Une femme qui pouvait accueillir mille et un enfants dans ses deux gras de bras!

Pilon mesurait 6’6” et pesait 350 lb à la fin de sa croissance, mais sa boîte à poux elle n’a connu que très peu de changements! Un homme gargantuesque, d’une force surnaturelle avec le cerveau d’un enfant résume assez bien notre sbire. Un cœur tellement gros qu’il aurait pu être considéré comme une des huit merveilles du monde!

Il a eu son surnom à force de toujours faire un bruit de chainsaw avec sa bouche, faisant même le geste imaginaire de la crinquer en vous saluant!

Il ne manquait jamais un épisode des 100 tours de Centour à Radio-Canada et espérait secrètement avoir une montre magique comme dans l’émission, même rendue à 20 ans! Il aurait vendu son âme à Centour et Yves Massicotte pour juste toucher cette montre! Pis dire qu’on pense que la Apple Watch de Steve Job est une révolution.

Il pêchait des milliers de grenouilles dans la rivière du Nord, qu’il allait revendre au Chinois du fameux Lily Garden sur la rue Principale! Il ne vendait que des cuisses bien sûr! La rumeur a longtemps couru comme une légende urbaine de petite ville que ‘’chainsaw’’ pilon vendait aussi des chats errants au Chinois, mais là je n’oserais perpétuer ce mythe, mais je me suis toujours demandé si ledit chat finissait en général Tao ou en spare ribs?

Chainsaw pilon aimait aussi le grand orange Rusty Staub et l’autre grand orange des Expos, youppi! Je ne suis pas sûr que dans sa tête de perruche, il faisait la différence entre les deux! Il avait toujours une casquette trois couleurs des Expos sur la tête et sa mère avait fait installer une hélice sur le top de sa capine! Il était beau notre sbire.

À tous les matins, du début septembre à la fin du mois de juin, « Chainsaw » s’en allait avec sa corde à danser jouer avec les jeunes filles du Laurentien school pas loin de chez eux! Il connaissait par cœur toutes les chansons de corde à danser possibles et impossibles! Après, sur l’heure du midi, il allait manger du réchauffé de sa mère!

La mère Pilon ma dit qu’elle avait ramassé chainsaw à la crèche comme on ramasse une cochonnerie à terre! Mais comme dans les contes de fées, comme dans les plus beaux contes de princesses, comme une histoire écrite par les productions Disney, la mère Pilon est arrivée dans sa vie. Dieu merci pour tous ces enfants abandonnés, car la chose la plus facile à faire dans ce bas monde c’est d’fourrer à plein cul tout en se crissant du reste!

Y avait au boutte de la rue Baron « Balloune » Champlain, un garagiste de la chose mécanique! Un artiste du « crankshaft ». Le monde rentrait chez Balloune comme on entre dans un dépanneur ouvert 24h. Tellement qu’il avait fait installer des portes tournantes comme chez Eaton! Il y avait toujours un mangeux de chips pour venir sentir ce que Balloune faisait! Les senteux dans le village qui venaient voir la catastrophe! 

Ce soir-là, Balloune était à changer l’huile du Datsun de Raymond Laplante, mais il faut dire ‘’Remond’’! ‘’Remond’’ aimait son Datsun plus que ses enfants, plus que sa femme! Le Datsun prenait l’huile finalement! Remond était dans tous ses états! Un état proche du Wyoming…

Il chialait après Balloune comme si c’était de sa faute, comme s’il avait fait exprès! Lapalnte sacrait et pour fins historiques a nommé tous les saints du ciel cette journée-là! Il criait fort! Certains disent qu’il aurait été entendu jusqu’aux limites de la rue principale et l’écho se serait fait entendre jusqu’aux limites de la rue Béthanie. Balloune aurait voulu sortir du dessous du char trop vite tanné d’entendre Remond sacré, mais y aurait accroché le « jack » pis le Datsun serait tombé sur ses jambes.

La pression du Datsun aurait fait éclater l’une de ses jambes en mille morceaux. Une scène d’horreur dans le réel ce n’est pas comme dans un film de Stephen King ou un livre de Patrick sénéchal c’est 1000 fois pire. Il y avait du sang partout dans le beau garage. Le genre de plancher que tu pouvais manger dessus. Étrangement, il y a eu comme un grand silence par la suite. Remond ne criait pas d’être fâché, mais s’est mis à crier de peur, d’horreur!

Raymond Laplante: « BALLOUNE! BALLOUNE! »

On pouvait entendre crépiter les vieux néons au-dessus de leurs têtes! Même les filles toutes nues sur son calendrier dans le fond du garage étaient traumatisées! Remond était seul au monde avec la carcasse de Balloune agonisant! Il a bien essayé de soulever son maudit Datsun, mais rien à faire, il n’a pas bougé d’un pouce, même pas un pouce fort.

Pis là celui qui était un homme fort sans le savoir est passé devant le garage… notre chainsaw nationale! Il est passé devant le garage avec sa belle « capine » à hélice des Expos! Il n’a fait ni une ni deux et il est rentré des portes tournantes! Il a poussé Remond du chemin…

La scène est digne des plus grandes vues d’Hollywood! Un classique du genre! chainsaw Pilon n’a rien à envier à Louis Cyr, Jos Montferrand. Je le jure devant mes frères et sœurs du p’tit Canada, car on est toute de la famille dans notre quartier! Pilon a pogné le devant de la Datsun à bras le corps et a levé jusqu’au bout de ses épaules la Datsun en criant à Raymond:

« Enlève M. Balloune! Enlève M. Balloune! »

La scène était d’une poésie sans nom, d’une beauté ridicule! chainsaw qui a le char au bout de lui-même, Remond qui tient Balloune dans ses bras et un silence total! Le genre de silence qui vous reste entre les deux oreilles pour le reste de votre vie. Un silence qui transperce à même votre âme! Un silence qui traverse le temps pour se rendre jusqu’à ce texte!

Pour fins historiques, Chainsaw Pilon n’a pas de statue à son effigie dans le p’tit Canada, mais la statue est dans le cœur de chaque personne qui a lu cette belle histoire.

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